Quelles sont les conditions de recours au marché négocié en cas d’exclusivité ?

Quelles sont les conditions de recours au marché négocié en cas d’exclusivité ?

Les contours de la procédure sans publicité ni mise en concurrence pour cause de droit d’exclusivité sont précisés dans cet arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Il s’agit d’un marché public attribué par la Direction générale des finances de la République tchèque à une entreprise pour la maintenance du système informatique de gestion des impôts.

Un contrat initial avait été conclu en 1992 pour la création du système, dont l’entreprise détenait les droits d’auteur.

L’acheteur justifie une nouvelle procédure sans publicité ni mise en concurrence par la continuité technique entre le système d’information et sa maintenance ainsi que la protection des droits d’auteur exclusifs de la société sur le code source dudit système.

Une question préjudicielle est posée à la CJUE :

Pour apprécier si le comportement du pouvoir adjudicateur est à l’origine d’une situation d’exclusivité, au sens de l’article 31, [point] 1, sous b), de la directive [2004/18], faut-il tenir compte des circonstances de droit et de fait dans lesquelles a été conclu un contrat portant sur une première prestation ?

Le comportement d’un pouvoir adjudicateur pourrait donc infirmer le recours à cette procédure, malgré l’exclusivité ?

Rappelons le principe. L’article 31 prévoit que « les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer leurs marchés publics en recourant à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché lorsque, pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité, le marché ne peut être confié qu’à un opérateur économique déterminé. »[1]

Nous avons donc dans les textes deux conditions cumulatives :

  • Les raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité
  • La nécessité induite d’attribuer le marché à un opérateur déterminé

Dans un premier temps la Cour rappelle le caractère exceptionnel de la procédure, aux cas de recours limitativement énumérés à l’article 31 cité précédemment (l’article R2122-3 du Code de la Commande Publique en droit interne).

La CJUE vient ensuite ajouter une troisième condition :

  • L’absence d’imputabilité de l’acheteur dans l’exclusivité

Cette imputabilité est analysée d’une part lors de l’octroi du premier contrat, générateur de l’exclusivité.

De plus les juges européens analysent la période entre ce premier contrat et la procédure sans publicité ni mise en concurrence.

Selon la Cour, « un pouvoir adjudicateur est tenu de faire tout ce qui est susceptible d’être raisonnablement attendu de lui pour éviter l’application de l’article 31[…], et ce afin de recourir à une procédure plus ouverte à la concurrence »

Elle demande in fine à la juridiction de renvoi de vérifier si l’acheteur disposait de moyens réels et raisonnables du point de vue économique pour mettre fin à cette situation d’exclusivité lors de la période entre les deux contrats.

CJUE, 9 janvier 2025, aff. C‑578/23

[1] voir, par analogie, les arrêts du 18 mai 1995, Commission/Italie, C‑57/94, EU:C:1995:150, point 24, et du 2 juin 2005, Commission/Grèce, C‑394/02, EU:C:2005:336, point 34