L’intangibilité du prix des contrats administratifs perd son droit de cité dans la jurisprudence du Conseil d’État, qui a rendu public le 21 septembre son avis livré sur la demande de Bercy.

C’est avec soulagement que les acheteurs accueilleront cette nouvelle puisque le Haut juge administratif propose de simplifier l’état du droit, qui était le suivant :

  • Le prix des contrats était a priori intangible (des exceptions tenant aux rectifications d’erreur matérielle, notamment, pouvaient exister).
  • Cela impliquait que seul un avenant modifiant le volume ou l’objet des prestations pouvant engendrer, indirectement, une augmentation du montant du marché.
  • À l’inverse, une clause de révision oubliée, erronée, ou devenue inappropriée, devait continuer de s’exécuter comme telle.
  • Et, enfin, dans le contexte actuel de flambée des prix l’acheteur ne pouvait venir « au secours » de l’entreprise que via la théorie de l’imprévision, formalisée dans un protocole d’accord transactionnel (voir notre article ; voir notre infographie).

Quoi de neuf, Docteur ?!

Eh bien, l’avis du Conseil d’État lâche tout d’abord une jolie petite bombe en rendant possible d’introduire en cours d’exécution une clause de réexamen ou de révision des prix !

Il revient ensuite sur l’interprétation du Code de la commande publique, et confirme que les clauses financières peuvent être modifiées au même titre que d’autres, dans le cadre proposé par le Code.

Et qui dit avenant dit, d’une part, que l’entreprise doit donner son accord, et d’autre part, que l’acheteur doit donner le sien… En effet, le Conseil d’État rappelle bien qu’il n’y a pas de « droit à » une modification au bénéfice des entreprises !

L’acheteur peut tout d’abord mobiliser les dispositions applicables aux modifications dictées par des circonstances… imprévues (articles R. 2194-5 et R. 3135-5 du CCP).

Sans le dire ainsi, le Conseil d’État semble « contractualiser » la théorie de l’imprévision en permettant de s’économiser le recours à un protocole transactionnel. En effet, il précise à la fin de son avis qu’un tel avenant n’exclut pas qu’une indemnité d’imprévision vienne le compléter, afin de résorber intégralement le préjudice d’imprévision.

L’acheteur peut ensuite recourir à une modification de faible montant (10% fournitures et services/15% travaux, articles R.2194-8 et R.3135-8 du CCP).

Cette proposition est sans doute la plus étonnante et la plus intéressante, puisque l’avis précise que « les parties sont libres de procéder, si elles le souhaitent d’un commun accord, à la compensation de toute perte subie par le cocontractant même si cette perte ne suffit pas à caractériser une dégradation significative de l’équilibre économique du contrat initial ». Elle sort clairement du cadre de l’imprévision !

Notons que ce second levier est soumis à un plafond de 10% ou 15% qui s’apprécie en cumulant les avenants successifs, par rapport au montant initial du marché.

Alors que le premier levier est soumis, comme toute modification dictée par des circonstances imprévues, à un plafond de 50% d’augmentation… qui ne se cumule pas d’un avenant à l’autre !!

Enfin, il existe un troisième levier relatif aux modifications « non substantielles » (articles R.2194-7 et R.3135-7 du CCP), sans limites de montant, évoqué par le Conseil d’État, mais qui brille par l’obscure clarté de sa définition…

Suite à la publication de cet avis, la DAJ aura proposé une nouvelle fiche technique qui reprend et commente point par point ces différents éléments.

CE, 15 septembre 2022, avis relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision, n° 405540

Fiche technique D.A.J., « Possibilités offertes par le droit de la commande publique de modifier les conditions financières et la durée des contrats de la commande publique pour faire face à des circonstances imprévisibles et articulation avec l’indemnité d’imprévision »