« I’m singing in the rain » chantait Franck Sinatra. Le requérant dans cette affaire[1] aurait aimé en faire autant sans avoir à payer de pénalités.

Il conteste l’application des pénalités de retard relatives à 88 jours d’intempéries.

Le litige porte sur la possibilité pour un maître d’ouvrage de faire appliquer les pénalités de retard lorsque le chantier a été interrompu suite à des intempéries.

Pour rappel général, « Lorsque le cocontractant n’est que partiellement responsable d’un retard dans l’exécution du contrat, les pénalités applicables doivent être calculées seulement d’après le nombre de jours de retard imputables au cocontractant lui-même »[2].

Le principe de réparation forfaitaire du préjudice

Les juges énoncent dans un premier temps un principe général.

Le maître d’ouvrage ne doit pas prouver l’existence d’un quelconque préjudice pour faire appliquer les pénalités de retard contractuellement prévues.

En effet le caractère forfaitaire de la pénalité induit une absence de corrélation entre le retard constaté et l’éventuel préjudice subi.

Ils se placent ainsi dans la lignée d’une jurisprudence constante.  [3]

Le Conseil d’État [4]rappelait déjà en 2019 « Elles sont applicables au seul motif qu’un retard dans l’exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n’aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi ».

Les juges n’abordent pas en l’espèce les exceptions à ce principe rappelé dans ce même arrêt, leur permettant le cas échéant de moduler les pénalités du marché public[5].

 « Si, lorsqu’il est saisi d’un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations. »[6]

Le montant des pénalités n’est donc pas modifié par les juges en l’espèce.

Les modalités de prolongation des délais en cas d’intempérie

L’article 19.2.3 du cahier des CCAG- Travaux de 2014 fixe les modalités de prolongation des délais en cas d’intempéries. « Dans le cas d’intempéries au sens des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, entraînant un arrêt de travail sur les chantiers, les délais d’exécution des travaux sont prolongés. Cette prolongation est notifiée au titulaire par un ordre de service qui en précise la durée ».

L’article impose donc deux conditions.

Les intempéries prévues au contrat doivent donc avoir entravé l’exécution des travaux, d’une part.

Par ailleurs, un ordre de service émis par le maître d’ouvrage doit avoir prolongé les délais.

L’inutilité du parapluie une fois l’orage passé…

En l’espèce les juges notent l’absence d’une des conditions:

« Dans ces conditions, la société appelante ne peut être regardée ni comme ayant demandé en temps utile la constatation des difficultés alléguées ni comme justifiant de ce que les travaux litigieux ont été effectivement entravés par les phénomènes météorologiques invoqués. »

Ainsi les juges constatent qu’il n’y a pas de preuve de sollicitation du maître d’ouvrage, notamment lors des réunions de chantier.

Il n’y a donc pas eu de constatation contradictoire des difficultés rencontrées et de l’arrêt effectif des travaux. En conséquence aucun ordre de service de prolongation de délais n’a été émis.

En conclusion, il est de la responsabilité du titulaire de solliciter le maître d’ouvrage afin de faire constater par ordre de service les interruptions de travaux liées aux intempéries. S’il ne le fait pas il ne pourra se prévaloir de la prolongation de délais. Il devra donc s’acquitter entièrement des pénalités de retard.

Cour administrative d’appel de Toulouse, 3ème chambre, 18 octobre 2022, 20TL23848


[1] Cour administrative d’appel de Toulouse, 3ème chambre, 18 octobre 2022, 20TL23848

[2] Conseil d’État, 7ème chambre, 1 février 2019, 414068

[3] CE, 19 juillet 2017, Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de Melun, n° 392707 ; CAA Nantes 23 sept. 2011, n° 10NT02043

[4] Conseil d’État 7ème – 2ème chambres réunies, 2 décembre 2019, 422615

[5] Voir en ce sens l’article du blog Comment moduler le calcul des pénalités ?

[6] Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 2 décembre 2019, 422615