La résiliation d’un contrat public pour motif d’intérêt général est une des prérogatives ultimes de puissance publique de l’Administration. Consacré par le célèbre arrêt Distillerie Magnac-Laval du 2 mai 1958[1], ce principe est désormais intégré à l’article L6 du Code de la Commande Publique. Dans la pratique cela pose des problématiques. Quelles sont les obligations relatives au décompte de liquidation suivant la résiliation? Quelles sont les modalités de contestation ?
Le décompte liquidatif non soumis à un délai
L’article 8.7 du CCAG- FCS[2] précisait qu’en cas de résiliation du marché, les sommes restant dues par le titulaire sont immédiatement exigibles. C’est donc la personne publique qui est bénéficiaire de cette prérogative. Le fondement est la protection des deniers publics, interdisant à l’Administration d’octroyer des libéralités, c’est-à-dire l’octroi d’un avantage sans contrepartie suffisante. [3].
Le titulaire du contrat, requérant, ne peut revendiquer le même droit. Il se plaint de la tardiveté de l’établissement du décompte liquidatif[4]. Ce dernier récapitule les débits et crédits du titulaire du contrat après inventaire contradictoire des prestations réalisées. Il serait irrégulier au motif qu’il a été émis plus d’un an après la résiliation.
Or l’article 30.1 du CCAG précité disposait que « le décompte de liquidation du marché […] est arrêté par décision de la personne publique et notifié au titulaire ». Il n’y a aucune mention à un délai, le décompte est donc conforme.
De plus en tout état de cause, en l’absence d’établissement du décompte général et définitif, il appartient au requérant, avant de saisir le juge, de mettre le maitre d’ouvrage en demeure d’y procéder. Cela n’a pas été fait donc le titulaire ne peut s’en prévaloir.
Enfin la saisine du Juge est conditionnée à l’envoi d’un mémoire en réclamation.
Le mémoire en réclamation, condition préalable de saisine
Nous vous rappelions dans un billet précédent ce que devait contenir une lettre en réclamation.
Il s’agit ici d’aborder le délai imparti pour le faire. Le principe est qu’en cas de différend, un mémoire de réclamation doit être communiqué par le titulaire à la personne responsable du marché dans le délai de trente jours compté à partir du jour où ce différend est apparu[5].
En l’espèce le requérant contestait un avenant relatif à la clause d’actualisation des prix, notamment sur la base du principe d’intangibilité. Voici donc le différend évoqué, né le 10 juin 2014. Son mémoire en réclamation reçu le 28 novembre 2017 (soit plus de 3 ans après !), était donc sans conteste tardif.
Le non-respect du délai de réclamation rend donc ce décompte définitif, ne permettant plus sa contestation[6].
Cour administrative d’appel de Marseille, 6ème chambre, 3 avril 2023, 21MA01311
[1] CE, ass., 2 mai 1958, Distillerie Magnac-Laval, n°32401
[2] Dans sa version issue du décret du 27 mai 1977 (abrogée)
[3] Voir en ce sens notre article L’indemnisation en concession pour résiliation pour intérêt général est-elle une libéralité ?
[4] « Décompte de résiliation » dans les CCAG 2021
[5] Article 34.1 du CCAG FCS précité
[6] Voir en ce sens Conseil d’État, 7e – 2e chambres réunies, 27 janvier 2023, n° 464149