La jurisprudence, base d’exécution aux frais et risques d’ordre public

La jurisprudence, base d’exécution aux frais et risques d’ordre public

Cet arrêt nous donne l’occasion de voir le pouvoir que s’est octroyé le Juge Administratif sur l’exécution aux frais et risques d’une part, prévue ou non au contrat, et sur l’ajustement des pénalités prévues au contrat. Il s’agit d’un cotraitant de groupement qui conteste l’exécution aux frais et risques, car non prévue au contrat. L’acheteur avait-il le droit de la mettre en œuvre ?

Par ailleurs une demande de modulation des pénalités est soumise au Juge, qui s’est lui-même octroyé cette possibilité. Nous en verrons ensemble les contours et modalités.

L’exécution aux frais et risques d’ordre public

L’exécution aux frais et risques a connu une évolution jurisprudentielle.

Auparavant les CCAG dans leur rédaction de 2009 prévoyaient une mention expresse pour pouvoir la mettre en œuvre[1]. Ainsi l’article 36.1 du CCAG- PI disposait qu’« à la condition que les documents particuliers du marché le prévoient et que la décision de résiliation le mentionne expressément, le pouvoir adjudicateur peut faire procéder par un tiers à l’exécution des prestations prévues par le marché, aux frais et risques du titulaire ». Cette application ne serait donc pas possible en l’espèce au vu de l’absence de mention dans les documents particuliers ?

C’est sans compter sur le Juge Administratif, qui en a décidé autrement en rendant l’exécution aux frais et risques en cas de défaillance « d’ordre public ». Concrètement cela signifie que même en l’absence de toute mention elle est applicable, et que les parties ne peuvent même pas y renoncer par une mention en ce sens dans le contrat[2].

Les Juges viennent dans notre litige confirmer clairement la jurisprudence constante[3]en indiquant « même si le marché ne contient aucune clause à cet effet […] il est toujours possible, pour le pouvoir adjudicateur, de prononcer une telle résiliation lorsque le titulaire du marché a commis une faute d’une gravité suffisante. »

Les nouveaux CCAG reprennent d’ailleurs ce principe en supprimant la condition de mention dans les documents particuliers.

Par ailleurs la question de la modulation des pénalités est évoquée dans notre arrêt, donnant lieu à un rappel de bon sens.

La pénalité ajustable au regard de la part du cotraitant

Nos requérants contestent l’application des pénalités. Elles seraient disproportionnées au regard du montant du marché et du préjudice subi par l’acheteur.

Nous vous rappelions dans un précédent billet le principe de réparation forfaitaire du préjudice. Cela implique que l’acheteur n’a pas à prouver l’existence d’un quelconque préjudice. De plus le caractère forfaitaire de la pénalité induit une absence de corrélation entre le retard constaté et l’éventuel préjudice subi.

Le principe de force obligatoire du contrat voudrait que les pénalités prévues soient appliquées. Cependant le Juge s’octroie la possibilité de modérer ou augmenter le cas échéant le montant des pénalités prévues (voir en ce sens Conseil d’État, 29/12/2008, 296930 et notre article).

Ainsi ce dernier va vérifier si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché.

Pour cela il va considérer uniquement la part du cotraitant concerné, le seul requérant, et non pas du montant de tout le groupement. Il censure en ce sens la Cour Administrative d’Appel, qui a commis une erreur de droit et devra revoir son jugement sur ce point.

Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 12 avril 2023, 461576


[1] Sauf les CCAG-Travaux et MI pour lesquels la mention dans les documents de marchés n’était pas imposée

[2] CE, 9 nov. 2016, Sté Fosmax, n° 388806 ; CE, 18 déc. 2020, Sté Treuils, n° 433386

[3] Conseil d’État, 7e – 2e chambres réunies, 27 avril 2021, n° 437148