« J’appelle innocence cette maladie de l’individualisme qui consiste à vouloir échapper aux conséquences de ses actes » nous disait Pascal Bruckner. Cela pourrait être illustré ici par une contestation de l’application des pénalités d’inexécution de contrats[1]. Elles seraient inapplicables pour cause d’illégalité, et excessives selon le titulaire desdits contrats.

Absence de révision, illégalité annulant les pénalités ?

Les contrats ne prévoyaient pas de clause de révision alors même que le prix est directement affecté par les fluctuations des cours mondiaux. Cela va à l’encontre de l’article R2112-14 du Code de la Commande Publique (CCP). Ces marchés étaient donc entachés d’illégalité.

Est-ce que cela constitue un vice d’une particulière gravité, de nature à justifier que le contrat soit écarté ?

Que nenni ! L’absence d’une clause de révision de prix ne rend pas illicite le contenu même du contrat. Les Juges font primer ici l’exigence de loyauté des relations contractuelles et n’autorisent pas la décharge des pénalités d’inexécution.

Par ailleurs ces pénalités sont-elles déraisonnables comme le prétend le titulaire ?

Montant manifestement excessif induisant une modération ?

Le Juge Administratif s’est autorisé à modérer les pénalités manifestement excessives et augmenter les pénalités dérisoires depuis l’ arrêt CE, 29 déc. 2008, n° 296930.

Il s’appuie en cela notamment sur le montant du marché, les pratiques observées pour des marchés comparables ou sur les caractéristiques particulières du marché en litige.

En l’espèce le requérant ne démontre pas en quoi les pénalités à hauteur de 15 et 10% des contrats litigieux sont manifestement excessives. Par ailleurs cela est proche de la préconisation prévue par les divers CCAG d’application des pénalités dans un plafond de 10%. Le guide de l’association pour l’achat des services publics ainsi que le CCAP d’un marché de fournitures identiques font état de ce même taux plafond. Enfin, cerise sur le gâteau, le requérant lui-même est titulaire d’autres contrats pour lesquels les plafonds de pénalités sont de 10 et 12%. Il ne peut dons se prévaloir d’un montant manifestement excessif en l’espèce.

Cour administrative d’appel de Paris, 6ème Chambre, 5 mars 2024, 21PA06640


[1]Pour rappel voici nos infographies sur les pénalités de retard ici et ici