« Donnez donnez-moi Dieu vous le rendra » chantait Enrico Macias. Le requérant en l’espèce, un syndicat acheteur, n’est pas de cet avis. Il estime qu’il y a surfacturation dolosive par le titulaire, entrainant l’inapplicabilité du contrat.[1]

La validité du contrat

Le principe est l’application des clauses contractuelles. Cependant si les juges constatent une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, ils doivent écarter le contrat et ne peuvent régler le litige sur le terrain contractuel[2].

« Aux termes de l’article 1116 du code civil, alors applicable :  » Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. / Il ne se présume pas et doit être prouvé « . »

Les requérants ont diligenté deux experts techniques privés afin de prouver que ces manœuvres, visant à augmenter les quantités, ont altéré leur consentement. Cependant les deux experts ne rendent pas les mêmes conclusions.

L’expertise réalisée par une société conclut que les quantités précises réellement mises en œuvre ne sont pas vérifiables compte tenu des volumes mis en œuvre en fondation ou sous l’eau.

Les juges concluent donc que cette expertise invalide la première. En effet en se basant sur la spécialisation dans le domaine de l’ingénierie et des études techniques de cette société, alors que la première expertise était rendue par une société de conseil pour les affaires et autre conseils de gestion, les juges donnent logiquement davantage de poids à l’expertise plus technique, qui ne démontre pas de manœuvre.

Le contrat est donc applicable. Par la suite les requérants contestent certains bons de commande.

La validité des bons de commande

Ils avancent que des prestations non présentes au BPU sont référencées dans des bons de commande et qu’aucun avenant n’avait été signé pour les y intégrer. Cela est assez audacieux quand on sait que ces derniers sont émis par le pouvoir adjudicateur lui-même.

Le juge vient simplement constater que le syndicat requérant n’établit cependant pas que les circonstances dans lesquelles il a été conduit à signer ces bons de commande étaient de nature à le tromper sur la portée de son engagement.

De plus, lesdits bons de commande, signés par le président du syndicat, font apparaître ces prix. Dès lors, les juges statuent en affirmant que les prestations doivent être regardées comme étant entrées dans le champ des prestations incluses dans le marché.

Par ailleurs le syndicat conteste les quantités commandées dans d’autres bons de commande. En effet, sans que cela ne soit contesté par le titulaire du contrat, il est avancé par exemple que dans un cas, sur 200 sacs fabriqués et livrés, seuls 64 ont été posés. Cependant, il ne démontre pas que le titulaire du marché l’aurait sciemment induit en erreur sur les quantités nécessaires. In fine, il lui appartenait de toute façon, en qualité d’acheteur public, de déterminer l’étendue de son besoin[3].

Enfin il conteste une facturation au vu du paiement moindre du titulaire à son sous-traitant pour l’exécution de ladite prestation. Concrètement la prestation prévue au bordereau de prix a été commandée pour un montant forfaitaire de 12 500 euros mais le titulaire n’a rémunéré son sous-traitant que 2 850 euros pour sa réalisation (Quid du paiement direct ? voir notre billet). Le juge se borne à constater que cette différence importante de prix ne suffit pas à démontrer, à elle seule, que, lors de la notification des prix, le syndicat aurait été victime de manœuvres.

On voit dans le cas d’espèce la réaffirmation ferme de l’exécution du contrat sauf démonstration certaine d’irrégularités tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité.

Cour administrative d’appel de Toulouse, 3ème chambre, 6 décembre 2022, 20TL02840


[1] Cour administrative d’appel de Toulouse, 3ème chambre, 6 décembre 2022, 20TL02840

[2] Voir en ce sens CE Ass. 28 décembre 2009 Commune de Béziers, n° 304802 ; Conseil d’État, 9 juin 2017, 399581 ; CE, 10 juillet 2020, n°420045

[3] Cf article L2111-1 du Code de la Commande Publique