Une concession d’aménagement a été attribuée à une société. Par la suite un avis défavorable émis par le commissaire enquêteur sur le projet a conduit le défendeur à résilier cette concession pour motif d’intérêt général.
Les requérants, une contribuable et des conseillers communautaires, souhaitent l’annulation de la délibération par laquelle la collectivité a approuvé les termes du protocole. Ils arguent que la somme versée à titre d’indemnisation constitue une libéralité.
La recevabilité du recours
Les défendeurs contestent la recevabilité du recours car il n’y aurait pas d’intérêt suffisant pour contester la validité du protocole du seul fait de la qualité de contribuable. Le protocole n’aurait pas de conséquences significatives sur les finances de la collectivité donc de ce fait ne serait pas attaquable.
Les Juges viennent ici rappeler un principe constant : « Tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. »[1][2]
Nul besoin donc pour le contribuable de justifier de conséquences financières significatives dès lors que ses intérêts sont lésés.
Cette action est également ouverte aux membres de l’organe délibérant au vu des intérêts dont ils ont la charge[3]. Les conseillers communautaires sont donc bien fondés à faire ce recours. Ces derniers veulent l’annulation de la délibération ayant permis la signature du protocole pour cause de libéralité.
L’absence de libéralité
Pour rappel, l’article L3136-3 du Code de la Commande Publique permet la résiliation de la concession pour motif d’intérêt général. Il renvoie à l’article L6 du même code pour les modalités d’indemnisation: « Le cocontractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat ».
En l’espèce le contrat de concession prévoyait que le défendeur indemniserait l’aménageur « de l’intégralité de son préjudice en ce compris les dépenses engagées à la date effective de la cessation du contrat, telles qu’arrêtées au dernier compte rendu au concédant approuvé, les frais liés aux emprunts, les frais financiers supportés par l’aménageur et la perte de gains induits par la résiliation ».
L’indemnité négociée est fixée à 1 100 000 euros au terme du protocole.
Les requérants arguent qu’il s’agit d’une libéralité. On peut la définir comme l’octroi d’un avantage sans contrepartie suffisante.
En effet l’arrêt Chambre de Commerce et d’Industrie de Montpellier[4] avait déjà censuré un acheteur pour une indemnisation trop élevée. Les juges rappelaient qu’« un contrat administratif ne peut légalement prévoir une indemnité de résiliation ou de non-renouvellement qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation ou de ce non-renouvellement ».
Toute la question est donc de savoir s’il y a une disproportion manifeste entre l’indemnité versée et le préjudice subi.
Or le concessionnaire a présenté les montants sur la base des données approuvées lors du dernier compte rendu annuel du concessionnaire. Il pouvait prétendre à une indemnité de 1 308 612,45 euros au titre des dépenses engagées, de 852 552 euros au titre des frais financiers et de 94 492,19 euros au titre de la perte de marge, sommes ramenées à 1 100 000 euros au terme du protocole.
Les montants indemnisés sont donc en deçà du préjudice subi par le concessionnaire[5], la libéralité n’est clairement pas caractérisée.
Cour administrative d’appel de Lyon, 4ème chambre, 23 février 2023, 21LY00952
[1] Jurisprudence constante depuis l’ Arrêt CE 4 avril 2014, Tarn et Garonne,358994
[2] Voir en ce sens les articles précédents A quelles conditions la résiliation peut-elle être imposée par le Juge? Ainsi que « Vice » et versa du contrat : que peut invoquer le concurrent évincé ?
[3] induit par l’article L. 2121-13 du CGCT
[4] Conseil d’État, 22/06/2012, n° 348676
[5] La libéralité ne s’applique qu’à la personne publique donc on peut indemniser moins que le préjudice, CE 4 mai 2011 Chambre de Commerce et d’Industrie de Nîmes, Uzes, Bagnols, Le Vigan, req. n° 334280