Contrats d’assurance et commande publique, deux mondes qui pourraient sembler incompatibles de prime abord. Le droit des assurances confère d’importantes prérogatives aux assureurs tandis que le code de la commande publique assure des prérogatives pour le moins confortables aux acheteurs.
C’est le Juge Administratif qui, dans un revirement de jurisprudence, a considéré que les composantes du droit de la commande publique « ne comportent aucune disposition qui méconnaîtrait les prescriptions […] du Code des assurances » (CE 28 avril 2003, n° 233343).
Il reste néanmoins des particularités à prendre en compte dans ces marchés bénéficiant d’un régime spécial.
Le point majeur étant les modalités de résiliation. Le Code des assurances prévoit en effet une possibilité de résiliation unilatérale par l’assureur, là où le droit de la commande publique réserve en principe cette faculté à l’acheteur.
Les cas de résiliation unilatérale
Il est à noter que les cas de résiliation unilatérale par l’assureur lui laissent une grande liberté:
- Dès l’expiration d’un délai d’un an suivant la conclusion du contrat, sans justification, mais avec un délai de prévenance de 2 mois (Art. L. 113-12 du Code des assurances)
- En cas de défaut de paiement des primes (Art. L.113-3 du Code des assurances)
- Quand le risque est aggravé et que l’augmentation de la prime d’assurance est refusée par l’acheteur (Art. 113-4 du Code des assurances)
Mais le Juge Administratif nous donne une nouvelle fois ici l’illustration de l’articulation de plusieurs textes.
Les modalités de mise en œuvre
Il vient d’abord rappeler le principe de résiliation unilatérale de l’assureur prévu par le Code des assurances. Toutefois sur la base de l’arrêt Société Grenke location, que l’on applique ici aux marchés d’assurance, « le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public » (CE 8 oct. 2014, n° 370644).
Concrètement l’acheteur peut imposer à l’assureur de poursuivre l’exécution du contrat pendant la durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau marché public d’assurance », dans un délai maximal de 12 mois.
Le motif d’intérêt général est validé, il s’agit de « la nécessité que les dommages aux biens concourant au bon accomplissement des missions de service public qui lui sont confiées soient couverts par une police d’assurance ».
Cela se traduit donc par le rejet du délai de préavis de six mois prévu par le contrat en cas de résiliation. Il était insuffisant pour procéder à un appel d’offres.[1]
Conseil d’État, 7ème Chambre, 4 avril 2024, 491068
[1] Voir également en ce sens l’arrêt CE, 12 juillet 2023, n° 469319 et notre brève explicative