Avec l’émergence du sourcing, les acheteurs ont la possibilité de connaitre et de définir de plus en plus précisément leur besoin. Les échanges avec les fournisseurs permettent d’établir des spécifications techniques, qui tendent parfois à devenir assez précises.

Cela étant, jusqu’où peut-on aller concernant la définition des spécifications techniques ? Quelle est la marge d’appréciation d’un pouvoir adjudicateur en la matière étant donné que le principe d’égalité entre les opérateurs se doit d’être respecté. Des spécifications trop précises pouvant altérer cette égalité.

La jurisprudence européenne a été interrogée sur ces points. Dans le cas d’espèce, une polyclinique de Lituanie a lancé une procédure de mise en concurrence relative à la location de matériel médical. L’un des soumissionnaires évincés à fait une réclamation en estimant que les dispositions du cahier des charges avaient pour effet de limiter « de manière injustifiée la concurrence entre fournisseurs en raison de leur spécificité élevée et qu’elles étaient en réalité adaptées aux caractéristiques des produits de certains fabricants ».

Les autorités lituaniennes de première instance et d’appels ont toutes deux rejetées les demandes de la société en indiquant que la polyclinique avait fait correctement usage de son « pouvoir d’appréciation » dans l’établissement des spécifications techniques détaillées au regard de ses exigences fondées sur la qualité des examens et la protection de la santé des personnes. En outre il n’était pas démontré que la procédure de mise en concurrence était adaptée à des dispositifs ou des fabricants spécifiques.

La société requérante s’est donc pourvue en cassation et la juridiction compétente a renvoyé une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Quelles sont les limites de la marge d’appréciation d’un pouvoir adjudicateur en ce qui concerne la fixation dans la procédure de mise en concurrence des caractéristiques spécifiques des fournitures attendues, en l’occurrence des fournitures médicales ?

La Cour s’attache donc à définir dans quelles mesures en application des dispositions des articles 18 et 42 de la directive 2014/24 ainsi que des principes d’égalité et de proportionnalité un pouvoir adjudicateur doit accorder de l’importance aux caractéristiques individuelles des appareils ou résultats du fonctionnement de ces appareils lorsqu’il établit les spécifications techniques d’un appel d’offres portant sur l’acquisition de fournitures.

Il appartient au juge national de vérifier si, « tout en tenant compte de la marge d’appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur pour fixer les spécifications techniques selon des exigences qualitatives en fonction de l’objet du marché, le caractère particulièrement détaillé des spécifications techniques en cause ne conduit pas à favoriser indirectement un soumissionnaire »

En somme la juridiction européenne conclut en indiquant que les dispositions de la directive laissent une marge d’appréciation au pouvoir adjudicateur quant à la détermination des spécifications techniques pour autant qu’elles respectent les principes d’égalité et de proportionnalité.
Autant dire que l’évaluation devra donc se faire au cas par cas…

 

CJUE, 25 octobre 2018, Roche Lietuva, n°C-413/17