Difficile de débuter cette brève autrement qu’en disant : on vous l’avait bien dit !

Souvenez-vous, nous vous faisions part du débat faisant rage, tant au sein de la doctrine que chez les praticiens, s’agissant de l’obligation de faire figurer les montants estimatifs au sein de la publicité.

Le Conseil d’Etat vient de trancher…

Un acheteur a lancé une procédure afin d’attribuer un accord-cadre de fournitures, avec un montant maximum. Seul hic, aucun montant n’apparaissait au sein de l’avis de marché.

L’occasion pour le Conseil de revenir sur les obligations qui incombent à l’acheteur en matière de publicité des accords-cadres.

  • Le montant estimatif de l’accord-cadre doit apparaitre dans la publicité

Comme l’on pouvait légitimement s’y attendre, le juge lit la directive marché, et les formulaires de publicité qui y sont annexés[1].

Ce faisant, il relève que l’acheteur doit obligatoirement faire figurer « la valeur totale des prestations estimée pour toute la durée de l’accord-cadre »[2].

Certes le cas d’espèce concerne un marché de défense et de sécurité, mais il peut être strictement transposé aux marchés ordinaires.

En effet, il résulte de la directive sur la passation des marchés publics[3], que l’avis doit faire apparaitre « l’ordre de grandeur total estimé du/des marchés ».

De plus, l’annexe II du règlement établissant les formulaires standard pour la publication des avis de marché[4] impose également, s’agissant des accords-cadres, la nécessité de faire apparaitre la « valeur totale maximale pour la durée totale de l’accord-cadre ».

  • Son absence peut être analysée comme un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

En effet, le Conseil valide l’interprétation du juge de première instance qui a considéré que l’absence de tout montant était constitutif d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence.

Le juge accepte toutefois de faire preuve de pragmatisme, et censure sur ce point la décision de première instance.

Il estime en effet que ce manquement n’est problématique que s’il est susceptible de léser le candidat au bénéfice d’une autre entreprise[5].

En l’espèce par exemple, un scénario de commande était proposé aux fournisseurs au sein des documents de la consultation. Par ailleurs, le juge estime que s’agissant d’une procédure avec négociation, il était loisible aux candidats de demander des précisions à l’acheteur dans le cadre de celle-ci[6].

Cette « porte de sortie » est toutefois bien limitée au type de procédure, et au cas d’espèce, il convient donc de ne pas le généraliser.

  • Le montant maximum peut être déterminé à l’issue d’une phase de négociation

Dernière information qui peut être intéressante pour les acheteurs : la possibilité de pouvoir fixer le montant maximum en fin de procédure, lorsque celle-ci a fait l’objet de négociations[7].

Le juge développe un argumentaire habile, selon lequel l’acheteur n’est jamais obligé de fixer un montant maximum de l’accord-cadre qu’il entend conclure.

Il cumule ce raisonnement avec le silence des textes, qui n’interdisent pas à l’acheteur de fixer un tel montant à l’issue de négociations.

Un mécanisme qui peut s’avérer intéressant pour les acheteurs qui sont en quête d’un marché dont les caractéristiques économiques se trouvent affinées par le dialogue avec les fournisseurs.

CE, 12 juin 2019, Société SONOCAR, n°427397


[1] La directive 2009/81/CE du 13 juillet 2009 (spécifique aux marchés de défense et sécurité) et le règlement n°2015/1986

[2] Point 9 de l’arrêt

[3] Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, annexe 5, partie C

[4] Règlement d’exécution 2015/1986 du 11 novembre 2015

[5] Voyez le point 11 de l’arrêt

[6] V. le point 12 de l’arrêt

[7] Voyez le raisonnement développé au point 8 de l’arrêt