Elle ne quitte jamais vraiment le cœur de l’actualité juridique : la publicité des (sous-)critères. Publicité qui, parce que fondée sur le principe de transparence (CE, 18 mai 2021, Cne de La Léchère, n°448618), concerne tous les marchés mis en concurrence, quel que soit leur montant. Ce n’est pas faute pour le Conseil d’État de rappeler les règles applicables (voir notre billet). Il s’agirait plutôt de la difficulté d’appréhender certaines frontières, telle celle dressée entre sous-critère (communicable) et élément d’appréciation d’un critère (non communicable, en tant que simple méthodologie de notation).

Le Tribunal administratif de Marseille propose de vous y aider : suivez le guide !!

En l’espèce, l’acheteur avait prévu deux critères classiques : le « prix » pondéré à 60% et la « valeur technique » pondérée à 40%. L’auteur du recours avait obtenu la meilleure note au premier, mais s’est tout de même retrouvé évincé à la faveur d’un écart de notes techniques.

C’est donc sur la valeur technique que tout va se jouer.

Ce second critère, à l’intitulé un peu englobant, était nécessairement déployé en sous-critères : « gestion des déchets » pondérée à 10% d’une part, et « note méthodologique » pondérée à 30% d’autre part. Or l’acheteur n’avait pas jugé utile d’aller plus loin.

Il avait néanmoins prévu dans son Règlement de consultation que la note méthodologique (NM) devait décrire un certain nombre de points : « le mode opératoire de l’entreprise pour l’exécution du chantier, (…) le nombre et les compétences des personnes effectives sur chantier, les modalités d’exécution, la proposition d’installation de chantier, le matériel à disposition et tout ce qui porte sur la réalisation des travaux ».

Il avait également établi un barème de notation avec plusieurs items, cinq au total, distribuant pour chacun un certain nombre de points, inégalement répartis…

Sans grande surprise, le Tribunal juge alors qu’il convient de regarder ces items comme des sous-critères implicites, et dont la non communication a entaché la procédure d’irrégularité. Mais le plus intéressant demeure la justification retenue, qui s’appuie sur un double motif :

  • D’une part, les items du barème de notation de la NM ne correspondait pas directement aux exigences descriptives prévues par le RC (un parallèle possible avec l’arrêt de la CAA de Marseille du 4 avril dernier ?, voir notre billet) ;
  • D’autre part, un item en particulier – « phasage à hauteur », ndlr – représentait une importance particulière au sein du sous-critère de la NM ainsi qu’au regard de la note globale. En effet, il était noté sur 10 points, alors que le sous-critère relatif à la NM était lui-même noté sur 30 points, elle-même représentant 30% de la note globale. Autrement dit, si vous avez tout suivi, le phasage à hauteur représentait un tiers de 30% de la note globale, soit… 10% !

Une méthode de notation devient donc un sous-critère communicable à partir du moment où elle contient des exigences du pouvoir adjudicateur non affichées par ailleurs dans les documents de la consultation, et (ou ?) dès lors qu’elle ne donne pas la même importance relative à ces exigences. Car alors, « (elle serait) de nature, si elle avait été connue des candidats, à influencer la présentation (de leur offre ou de leur candidature) ». Précisément ce qu’arguait la société requérante…

Presque clair, presque net et presque précis. Une ébauche de frontière comme on les aime !

TA Marseille, 12 août 2022, SAS Freyssinet France, n° 2206200