Nous avons à plusieurs reprises eu l’occasion d’attirer votre attention sur le pouvoir de modération accordé au juge administratif lorsqu’il constate que des pénalités d’un montant « manifestement excessif » sont appliquées au titulaire d’un marché.

Occasion nous est donnée aujourd’hui d’illustrer ce contrôle par la validation de pénalités dont le montant est loin d’être dérisoire…

 

Le litige porte sur la réalisation d’un marché de travaux dont la durée était de 168 jours à compter de l’émission de l’ordre de service de démarrage.

De nombreux désordres ayant été constatés sur le chantier, les prestations ont finalement été réceptionnées 319 jours après l’émission de l’ordre de service, soit 151 jours de retard.

 

Or, était prévu au marché qu’en cas de retard d’exécution, une pénalité de 1 500 euros par jour de retard serait infligée d’office, sans mise en demeure préalable.

 

Nous imaginons que les choses vont vite dans votre esprit, mais nous allons vous simplifier la tâche : cela représente une pénalité d’un montant de 300 000 euros HT.

L’acheteur a toutefois fait preuve de clémence puisqu’il a accepté d’abaisser ce montant à un peu plus de 150 000 euros, ce qui représente tout de même plus de 14% du montant global du marché.

 

Les juges parisiens appliquent donc au cas d’espèce le raisonnement déjà dégagé par le Conseil d’Etat, et accepte de vérifier si les pénalités appliquées ne sont ni manifestement excessives, ni manifestement dérisoires[1].

Et le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation n’aura jamais aussi bien porté son nom ! En effet, la Cour se limite au constat du « retard très important pris dans l’exécution des travaux » et valide de fait les pénalités infligées.

 

Il nous est donc loisible d’en déduire qu’en matière de pénalités, ce n’est pas le montant qui compte, mais l’usage que l’on en fait.

 

CAA Paris, 8 juin 2018, SAS Suchet, n° 17PA01124

[1] v. en ce sens notamment CE, 19 juillet 2017, Société GBR, n° 392707