Plus tôt cette année, nous vous proposions une interrogation autour de l’exclusion des candidatures « parasites » (voir notre billet). Dans une perspective pas si éloignée, le Tribunal administratif de Besançon nous invite par son jugement du 16 septembre à interroger la possibilité d’exclure les candidatures « doublons »…

De quoi parle-t-on exactement ?

Dans une décision du 8 décembre 2020, le Conseil d’État était venu dérouler les conséquences de l’interdiction, faite aux opérateurs, de présenter plusieurs offres pour un même marché (ou lot de marché si la consultation est allotie)[1].

Cette hypothèse n’est pas celle qui occupe aujourd’hui le TA de Besançon, et pourtant ses principes sont repris et appliqués au cas d’espèce : celui où le pouvoir adjudicateur a limité le nombre de lots pouvant être attribués à un même opérateur.

Des règles pour apprécier l’identité des opérateurs

En 2020, le Conseil d’État jugeait que l’acheteur doit écarter des offres aussitôt qu’il est en mesure de constater leur absence d’autonomie commerciale, au risque de voir sa procédure et son contrat viciés.

Comment se manifeste cette absence d’autonomie commerciale par-delà le dépôt d’offres plurielles ?

Cette absence d’autonomie résulte, notamment, des liens étroits entre les actionnaires ou dirigeants, capitalistiques ou non d’ailleurs ! Et elle peut être révélée par l’examen de deux paramètres :

  1. d’une part, l’absence totale ou partielle de moyens distincts ;
  2. d’autre part, la similarité de leurs offres (pour un même lot).

Or c’est très exactement le raisonnement employé par le TA dans son 7e considérant.

Des éléments concrets pour établir l’autonomie des opérateurs

Le requérant tirait argument de ce que les deux sociétés attributaires des 4 lots en jeu étaient « détenues par la même société holding et présidées par la même personne », donc des liens étroits entre les actionnaires et dirigeants… Mais pas assez étroits. En effet, cet argument ne suffit pas !

Des offres distinctes

Cette absence d’autonomie aurait pu ressortir de l’identité des offres présentées (paramètre n° 2), mais le requérant ne l’établit pas en l’espèce.

Cela étant, si l’appréciation de l’identité d’une offre sur un même lot ne pose pas de problème, comment aurait-on pu comparer deux offres sur deux lots distincts ? Car l’hypothèse examinée par le TA de Besançon aurait permis une telle configuration…

Des moyens propres

Elle aurait pu également ressortir de l’absence de moyens distincts (paramètre n° 1), mais l’instruction a révélé au contraire des différences importantes au niveau de la stratégie commerciale :

  • situations géographiques différentes,
  • moyens matériels et humains propres,
  • domaines d’activités différentes,
  • et, bien que les arguments précédents se soient sans doute suffi à eux-mêmes, le Tribunal ajoute que les sociétés « n’ont d’ailleurs pas classé les lots dans le même ordre de priorité souhaité du fait de la localisation de leurs établissements ».

TA Besançon, 16 septembre 2022, 2201418


[1] CE, 8 déc. 2020, Métropole Aix-Marseille, n° 436532 : à toute fin utile, nous signalons que la décision avait été commentée à l’époque dans la Revue Lamy de la Concurrence, v. J. LAUER « Offres coordonnées d’entreprises liées : de la concurrence à la commande publique », RLC n° 104, avril 2021, pp.22 et s.