Comment établir un DQE ? Une fois n’est pas coutume :  le juge judiciaire a la parole !

Les marchés soumis au code sont aussi ceux des acheteurs de droit privé, et plus précisément ceux mentionnées à l’article L1211-1 du code de la commande publique. Ces acheteurs sujets du droit privé sont aussi justiciables du juge judiciaire. Et le juge judiciaire les entend dans le cadre de recours identiques à ceux du code de justice administrative (référé précontractuel et contractuel). Par souci d’homogénéité donc, la Cour de cassation rend régulièrement des décisions « copié-collé » du Conseil d’État. Mais à l’inverse, le juge administratif vient parfois s’inspirer des décisions du juge judiciaire. Sera-ce le cas ici ?

Dans une affaire traitée par le TJ de Bordeaux, il était reproché à l’acheteur de n’avoir pas correctement établi son DQE, c’est-à-dire la simulation financière qui permet d’attribuer des notes sur le critère prix.

Existe-t-il seulement des règles en la matière ?

De façon générale, l’acheteur doit être sincère et transparent. Mais au-delà, il est courant que les praticiens se « calent » sur les années passées. Ce que n’avait pas fait l’acheteur en l’espèce.

Le titulaire sortant n’ayant pas été retenu, lui reprochait de n’avoir pas établi un DQE « en cohérence avec les commandes effectuées au cours des 4 années précédentes », dont le premier connaissait mieux que quiconque les quantités réelles pour les avoir livrées !

Il s’appuyait notamment sur l’exemple de prestations amiante dont le nombre moyen annuel prévu au DQE était plus de 4 fois supérieure aux quantités exécutées par le passé ! L’acheteur prévoyait en effet 206 750 prélèvement, contre 46 289 réellement exécutées auparavant. Selon le titulaire sortant, cela avait incité les concurrents à chiffrer au plus bas cette prestation, bien plus bas que son propre prix qui était dimensionné par rapport aux quantités passées

Néanmoins, le juge rejette l’argument sans ambiguïté, jugeant « qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose de faire un devis en cohérence avec les commandes effectuées au cours des 4 dernières années, et que si les commandes passées peuvent être un indice des commandes futures, elles ne sauraient lier l’acheteur dans la mesure où son besoin a évolué ou est susceptible d’évoluer pendant la durée d’exécution du marché, ce qui est précisément le cas en l’espèce ».

*** Mic drop ***

Tribunal judiciaire de Bordeaux, 19 février 2024, n° 23/02571