L’affirmation a un goût de « reviens-y », peut-être aussi car elle a du mal à s’implanter dans les esprits : non, il n’existe pas de seuil objectif de « raisonnabilité » des pénalités de retard, et celui-ci n’est certainement pas fixé à 25% (voir notre article).

La question se pose dès lors que le juge dispose d’un pouvoir de modération.

Or, l’appréciation du juge est toujours concrète et appuyée sur un faisceau d’indices. Dans notre récente Infographie, nous vous propositions d’en revoir les composantes.

En décembre 2022 (si loin déjà !), la CAA de Bordeaux avait envoyé un message clair et fort en jugeant que des pénalités à hauteur de 80% du montant du marché pouvaient être raisonnable (voir notre article). C’est au tour de la CAA de Nantes d’enfoncer le clou, en ramenant des pénalités de retard excessives à … 50% du montant du marché !

Le juge nantais vérifie tout d’abord, point par point, que les retards reprochés sont bien imputables à la société. Ceux-ci étant nombreux : retard dans le bardage, la toiture, les blocs-portes, menuiseries acier, pare-vue et garde-corps, finitions, remise de documents en cours de chantier (71 jours, malgré une mise en demeure…), absences aux réunions de chantier (pas moins de douze occurrences…).

Bref, une certaine mauvaise volonté flottait dans l’air.

En application du marché, la somme des pénalités infligées représentait en définitive un ratio de 89% du montant total.

L’entreprise obtient partiellement gain de cause en faisant juger que les pénalités « présentent, au vu de ce ratio particulièrement élevé, un caractère manifestement excessif, alors même qu’(elle) n’a pas apporté d’autres éléments pour établir ce caractère ». Chose particulièrement étonnante, et à contre-pied du juge bordelais en 2022, le taux de 89% semble manifestement excessif « en lui-même ».

Cependant, la cour juge immédiatement après qu’au vu des manquements constatés et du montant du marché (environ 120 000 €), il y a lieu de ramener les pénalités dues « à la somme de 57 555,90 euros, correspondant à 50% du montant HT de ce marché ».

Comme quoi, même si les pénalités visent à réparer forfaitairement le préjudice, on finit bien par revenir à la prise en compte de ce dernier tôt ou tard…

CAA Nantes, 8 mars 2024, n°22NT03760