La place du développement durable dans la CP sur son volet social (voir notre article sur la loi Climat et résilience), s’illustre notamment par le mécanisme du marché réservé à des entreprises employant des travailleurs handicapés ou à des structures d’insertion. 

Un marché réservé sous conditions, avec possibilités d’extension par les états membres 

L’article 20 de la directive 2024/14 prévoit la possibilité de faire un marché réservé dès lors que :

  • Les participants à la procédure sont des ateliers protégés ou des opérateurs économiques dont l’objet principal est l’intégration sociale et professionnelle de personnes handicapées ou défavorisées ;
  • Au moins 30% du personnel de ces ateliers et de ces opérateurs économiques soit constitué par de telles personnes.

Cette disposition s’oppose-t-elle à ce qu’un Etat membre impose des conditions supplémentaires au marché réservé ? Avec pour conséquence d’exclure des opérateurs qui répondent à ces deux conditions. Mais ne remplissent pas les conditions supplémentaires fixées par le droit national.

→ En l’espèce, la règlementation espagnole réserve l’accès aux marchés visés par l’article 20 aux « centres spéciaux d’emploi d’initiative sociale ». Ce qui exclut de ce fait les « centres spéciaux d’emploi d’initiative entrepreneuriale ». 

La Cour précise qu’il y a lieu de tenir compte des objectifs poursuivis par la règlementation. L’article 20 n’indique pas que des entités qui remplissent ces deux conditions doivent bénéficier de ce droit à la réservation. La condition selon laquelle au moins 30% du personnel doit être constitué par des personnes handicapées ou défavorisées, ne constitue qu’une exigence minimale. Les états membres jouissent donc d’une certaine latitude dans la mise en œuvre des conditions énoncées par l’article 20 qui poursuit un objectif de politique sociale, relatif à l’emploi[1].

Une limite persistante : le respect des règles d’égalité de traitement et de proportionnalité

Il reste à déterminer si les « centres spéciaux d’emploi d’initiative sociale » se trouvent dans la même situation que les « centres spéciaux d’emploi d’initiative entrepreneuriale ».

Si ces deux structures ne sont pas en position de remporter des marchés dans des conditions de concurrence normales, il reste que les « centres spéciaux d’emploi d’initiative sociale », du fait des caractéristiques qui leurs sont propres, sont en mesure de répondre plus efficacement à l’objectif d’insertion sociale poursuivi par l’article 20 de la directive. Selon la Cour, c’est bien cela qui pourrait justifier objectivement une différence de traitement par rapports aux « centres spéciaux d’initiative entrepreneuriale »[2].

Charge à la juridiction de renvoi de savoir si ces exigences vont au-delà de ce qui est nécessaire… Le plus important étant finalement de poursuivre les objectifs de politique sociale relatif à l’emploi !

CJUE, 06 octobre 2021, Affaire C598-19


[1] Voir en ce sens : arrêt du 19 septembre 2018, Bedi, C-312-17

[2] Voir point 41 de la décision.