Dans un récent billet nous faisions le point avec vous sur la résiliation pour faute, sous-entendu pour faute « simple » (voir notre article). Dans ce cadre, l’acheteur sait qu’il doit normalement adresser une mise en demeure à l’entreprise, pourtant fautive, avant de faire tomber le couperet de la résiliation.

En réalité les CCAG permettent aussi à l’acheteur de se dégager d’un contrat comme on enlève une épine dans son pied : d’un coup sec ! L’existence d’une « tromperie grave et dûment constatée sur la qualité des matériaux ou sur la qualité d’exécution des travaux » permet en effet de prononcer la résiliation sans accomplissement d’aucune formalité, aux torts exclusifs de l’entrepreneur.

Dans une affaire jugée par la cour administrative d’appel de Paris, l’acheteur avait ainsi résilié un marché particulièrement sensible, puisqu’il s’agissait de curage, de désamiantage et de déplombage d’une de ses succursales. Des métaux lourds susceptibles d’engendrer des empoisonnements et de graves maladies, donc…

En cohérence avec le risque, le CCTP de ce marché prévoyait donc que le prestataire ne devait pas se contenter de réaliser les travaux de retrait mais également produire des analyses libératoires, avant de procéder à un nettoyage « soigné » de chaque zone.

Or, plusieurs malfaçons ont fini par être constatées par l’acheteur, notamment l’absence de dépose et confinement en zone étanche de certains éléments et des traces de contamination à l’amiante… Ce qu’une société de diagnostic tiers-intervenante confirma.

À travers son maître d’œuvre, l’acheteur a alors mis en demeure l’entreprise de produire des preuves de nettoyage effectif ainsi que les analyses libératoires nécessaires.

Néanmoins celle-ci manquait à en fournir deux sur les quinze demandées…

Pour le juge, cela ne fait pas un pli : compte tenu des malfaçons établies et de l’absence de communication de l’ensemble des analyses libératoires et autres pièces demandées, l’entreprise s’est rendu « coupable » de tromperie justifiant la résiliation sans mise en demeure et à ses torts exclusifs.

Mais l’objet particulier du marché n’est sans doute pas étranger à cette conclusion.

CAA Paris, 6ème chambre, 21 novembre 2023, n° 20PA04320