Dans une affaire classique de travaux supplémentaires et de désaccords sur le montant, la cour administrative d’appel de Marseille a été saisi d’un différend portant sur rien de moins que les réfactions opérées par le maître d’œuvre sur les devis de l’entreprise…

De quoi parle-t-on ?

En l’espèce, le maître d’ouvrage avait adressé au titulaire d’un marché de travaux un ordre de service commandant de procéder à des travaux supplémentaires (toitures terrasses, canalisation des eaux d’infiltration et réalisation d’un cuvelage).

L’entreprise avait répondu par deux devis, d’un montant approximatif respectif de 126 000€ HT et 45 000€ HT.

Le maître d’œuvre a alors opéré des réfactions sur ces devis, estimant que l’entreprise avait pratiqué des prix six fois supérieurs à la normale et que les travaux ne présentaient aucune technicité particulière. Les prix des devis ont ainsi été ramenés respectivement à 48 500€ HT et 20 500€ HT.

On se doute que ces réfactions n’étaient pas du goût de l’entreprise…

La cour administrative d’appel saisie commence par rappeler que le principe d’unicité du décompte général et définitif (DGD) ne s’oppose pas à ce qu’une réclamation financière soit élevée entre les cocontractants avant son établissement.

Elle examine ensuite lesdites réclamations financières et rejette l’essentiel des réserves du maître d’œuvre (MOE).

Il était reproché à la société de ne pas rémunérer ses employés au taux horaire minimum applicable dans le bâtiment Ile-de-France. La cour répond (à juste titre !) que le MOE n’établit pas le motif pour lequel l’entreprise devrait impérativement rémunérer ses employés à ce taux minimum… De même n’établit-il pas que le taux horaire proposé dans le devis litigieux serait exagéré et sans rapport avec celui réellement pratiqué dans l’entreprise.

Le MOE reprochait également à l’entreprise de facturer de la location de matériel, alors qu’elle disposait dudit matériel dans son parc. Néanmoins l’entreprise était fondée à le facturer dans la mesure où d’une part, elle était censée avoir terminé son intervention et avait donc rappelé le matériel, et d’autre part, la notification de l’OS prescrivant les travaux supplémentaires (TS) était tardive, d’autant plus tardive que l’entreprise avait elle-même signalé la nécessité de tels TS depuis 8 mois…

Enfin, le MOE reprochait le chiffrage des matériaux nécessaires à l’opération :

  • chiffrage exagéré sur le devis n°1 ;
  • chiffrage redondant sur le devis n°2, en ce que certains matériaux auraient été valorisés deux fois au titre de plusieurs tâches ;

Mais le MOE est là encore retoqué par le juge à défaut d’avoir réussi à produits des éléments probants du caractère soi-disant exagéré ou d’avoir établi que l’entreprise avait effectivement comptabilisé deux fois les mêmes matériaux nécessaires à toute l’opération (et pas les mêmes matériaux dont le volume global serait réparti sur plusieurs postes dans le devis).

Le maître d’ouvrage avait également tenté de faire valoir que le prix global était manifestement excessif eu égard à des offres présentées par d’autres entreprises sur un autre marché, « similaire » (caractère contesté par le juge au demeurant). Mais le moyen est jugé inopérant, autrement dit : hors-sujet.

Pour toutes ces raisons, l’acheteur se voit condamné à payer.

CAA Versailles, 23 novembre 2023, n° 19VE02747