J’ai reçu une lettre, il y a un mois peut-être, arrivée par erreur, maladresse de facteur…

En matière de marchés publics la notification des décisions revêt une importance certaine, et si la décision est notifiée à la mauvaise adresse, quelles en sont les conséquences ? La jurisprudence nous donne un exemple en cas de résiliation.

Dans le cadre de travaux de réhabilitation d’un centre de rétention, un acheteur a conclu un marché de maîtrise d’œuvre avec un groupement d’entreprises. Un an après la signature de l’acte d’engagement, la société mandataire du groupement a demandé la résiliation du marché et une somme avoisinant les 15 000€.

L’acheteur a prononcé la résiliation et établi le décompte de liquidation mais pour une somme bien moins importante d’environ 6 000€.  Le décompte a été contesté par la société mandataire par un mémoire en réclamation. Rappelons à ce titre que toute réclamation sur un décompte doit être présentée par le titulaire à la personne publique dans le délai de 45 jours à compter de la notification du décompte. Or, dans le cas d’espèce, le délai était dépassé. Le juge a donc été saisi par l’entreprise. En cause…

… l’envoi par l’acheteur de la décision de résiliation à la mauvaise adresse !

En effet, la décision de résiliation du marché et le décompte général et définitif ont été envoyés à l’adresse du siège social de la société requérante par pli recommandé avec accusé de réception, mais cette adresse n’était plus correcte. En conséquence, le mandataire n’a pas retiré le pli recommandé dans le délai de 15 jours imparti et celui-ci a été renvoyé à l’expéditeur.

Ainsi, la notification de la décision de résiliation et du décompte général doit être réputée intervenue le jour de la présentation de l’envoi recommandé au siège social de la société, et le délai pour former un mémoire en réclamation court à compter de cette date. Ce qui explique le caractère hors délai de ce dernier.

Mauvaise adresse, à qui la faute ?

En l’espèce, si la société requérante soutient que ces décisions ont été envoyées à la mauvaise adresse, elle n’apporte pas de preuve qu’elle aurait avisé l’administration de la modification de l’adresse de son siège social.

Il appartient à l’entreprise de prouver qu’elle avait informé l’acheteur du changement d’adresse. 

La société ne peut donc soutenir qu’elle n’aurait eu connaissance du décompte général qu’à la date à laquelle son conseil a reçu le mémoire en défense en première instance. Il résulte clairement de l’ensemble des stipulations du CCAG PI (alors applicable en l’espèce) qu’il lui appartenait d’aviser expressément l’autorité administrative du changement d’adresse de son siège social[1].

Au final la requête du mandataire est rejetée, ce dernier ne peut prétendre qu’au versement du solde fixé par le décompte général, soit 6 000€.

Alors oui, fini le papier, vive les notifications dématérialisées !

Avec la version dépoussiérée des CCAG les acheteurs peuvent désormais privilégier la notification des décisions via le profil d’acheteur. Ainsi, une décision communiquée via un profil d’acheteur sera, si elle n’est pas consultée par le destinataire dans les 8 jours qui suivent, considérée comme ayant été notifiée à la date de sa mise à disposition sur le profil d’acheteur.

Dans tous les cas, charge aux entreprises de bien tenir informés les acheteurs de leurs changements d’adresses, qu’elles soient postales… ou électroniques !

CAA de Versailles, 6ème chambre, 08 juillet 2021, 18VE03826


[1] Article 2.2 du CCAG PI (version 1978), obligation reprise dans le CCAG MOE 2021 à l’article 3.4.1