Si renoncer aux pénalités, il y a plus de deux ans, était une simple possibilité ouverte aux acheteurs, c’est presque devenu un devoir à ce jour, la crise sanitaire et le contexte inflationniste ayant fait leurs œuvres !

Retour sur ce que l’on peut faire ou ce que l’on doit faire, envisagé à travers le prisme de la règlementation et des recommandations actuelles.

  • Le renoncement :

Rappelons que l’application des pénalités de retard est un droit contractuel de l’administration, à l’application duquel elle peut renoncer[1].

Dès lors la personne publique peut renoncer partiellement ou totalement aux pénalités de retard dues par l’entreprise, notamment « lorsque les retards de livraison ou d’exécution sont liés aux envolées des prix des matières premières ou de pénuries d’approvisionnement des entreprises »[2].

A condition que cet abandon de créance ne puisse être assimilé à un avantage injustifié[3]. Et sous réserve de faire une application raisonnée de celles-ci[4] (voir notre article en ce sens).

Ainsi, l’assemblée délibérante peut prononcer cette décision par une délibération expresse. Dans cette hypothèse, elle devra être fournie au comptable assignataire de la collectivité[5].

Attention : La non application des pénalités s’impose à l’acheteur lorsque les circonstances sont constitutives d’un cas de la force majeure, c’est-à-dire liées à un événement extérieur, imprévisible et irrésistible. Il est cependant à préciser que « l’augmentation des prix ne conduit pas, en elle-même, à une situation de force majeure »[6].

  • L’exonération :

Les CCAG prévoient des possibilités d’exonérations. Il est donc possible de prévoir d’office dans les pièces du marché une exonération de pénalités à partir d’un montant défini. Ainsi, le CCAG travaux[7], PI[8] et MI[9] prévoient une exonération à 1000€, le CCAG FCS[10] et TIC[11] quant à eux prévoient une exonération à hauteur de 300€. Il est ensuite loisible aux acheteurs de déroger ou non à ces dispositions.

  • Le compromis :

La hausse des prix et les difficultés d’approvisionnement ont remis en perspective les solutions alternatives ouvertes aux cocontractant. Ainsi, les autorités gouvernementales recommandent la voie de la médiation[12] à celle de la répression.

Aussi, la prolongation (par voie d’avenant) ou la suspension (par ordre de service) des délais d’exécution est une alternative à l’application des pénalités de retard[13] « dès lors que le titulaire du contrat apporte la démonstration qu’il n’est pas en mesure de respecter certains délais d’exécution, ou que l’exécution des prestations encadrées par ces délais entraînerait pour lui un surcoût manifestement excessif, il lui est possible de solliciter l’autorité contractante afin d’obtenir la prolongation de ces délais spécifiques »[14].

Autre solution, le gel des pénalités enjoint par la circulaire du Premier Ministre tant que le titulaire du contrat justifie d’une impossibilité d’approvisionnement.


[1] CE, 9 novembre 2018, SAS Savoie, n° 413533

[2] Approvisionnement en matières premières, Le ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance sensibilise les acheteurs publics et met en place une médiation

[3] CE, 19 mars 1971, Mergui, n°79962

[4] CE, 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux, n° 296930

[5] CE, 17 mars 2010, Commune d’Issy-les-Moulineaux, n° 308676

[6] Circulaire n° 6338-SG du 30 mars 2022 relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières

[7] Article 19.2.1 du CCAG-TRAVAUX

[8] Article 14.1.3 du CCAG-PI

[9] Article 15.3 du CCAG-MI

[10] Article 14.1.3 du CCAG-FCS

[11] Article 14.1.3 du CCAG-TIC

[12] Approvisionnement en matières premières, Le ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance sensibilise les acheteurs publics et met en place une médiation

[13] CAA de DOUAI, 3e chambre – formation à 3, 15/05/2018, 16DA01392

[14] Les marchés publics confrontés à la flambée des prix et au risque de pénurie des matières premières