Respecter l’enveloppe de travaux est un combat de tous les jours. Dans la loi MOP reprise au code de la commande publique, le maître d’œuvre (MOE) s’engage normalement pour sa part sur deux grands chiffrages des travaux : le coût prévisible avant appel à la concurrence en phase conception, le coût contracté après appel à la concurrence en phase réalisation.

Petits rappels pour les petits oublis

En phase conception, le MOE qui remplit une mission ACT (Assistance à la passation des Contrats de Travaux) s’engage sur le chiffrage du coût prévisionnel des travaux. Le marché de maîtrise d’œuvre doit prévoir un taux de tolérance, qui appliqué au coût prévisionnel des travaux – réévalué à l’aune du nouveau contexte économique – permet de définir un seuil de tolérance. Le dépassement de ce seuil par les résultats de la consultation travaux implique une reprise gratuite par le MOE de ses études et l’établissement d’un nouveau DCE.

En phase réalisation, le MOE qui remplit les missions DET (Direction de l’Exécution des Travaux) et AOR (Assistance lors des Opérations de Réception) s’engage à garantir le coût de réalisation des travaux. Ce coût est celui qui résulte de la conclusion des différents marchés de travaux. Par application d’un taux de tolérance que le marché de maîtrise d’œuvre doit prévoir, il permet de définir le seuil de tolérance en phrase réalisation, qui sera comparé au coût réellement constaté à l’achèvement des travaux. En cas de dépassement, une pénalité peut être infligée.

Et si mon marché ne prévoit pas de seuil de tolérance ?!

En l’espèce, le tribunal administratif d’Orléans était saisi d’une problématique épineuse, puisque le marché ne prévoyait aucun taux de tolérance… Il ne prévoyait en fait aucun CCAP, tout simplement.

Une commune avait budgété 275 000 euros HT d’enveloppe travaux, maîtrise d’œuvre comprise, et suite aux études du maître d’œuvre (MOE) des prestations avaient été retirées, unilatéralement par le MOE selon la commune, sur décision de la commission d’appel d’offres selon le MOE. Reste que ce retrait était ce qui permettait aux marchés de travaux à conclure de rentrer dans l’enveloppe, puisque des 456 998,12 euros HT qu’auraient dû couter les travaux, la somme après « mise au point » a été ramenée à 278 905,99 euros HT.

Difficile de savoir avec certitude quelles conséquences ce défaut de seuil de tolérance produit dans l’affaire, puisqu’après examen de l’affaire le coût réel constaté des travaux ne dépassait pas le coût résultant des marchés de travaux quoiqu’il en soit.

Il semble toutefois que le tribunal admette l’argument du maître d’ouvrage selon lequel à défaut d’un seuil stipulé au marché de maîtrise d’œuvre, le maître d’œuvre engage sa responsabilité dès lors qu’il ne respecte pas le chiffrage.

En effet, le raisonnement du juge consiste à opposer, d’une part, le calcul du coût résultant effectivement des marchés de travaux, précisant ensuite qu’aucun seuil de tolérance n’a été stipulé au marché de maîtrise d’œuvre, et d’autre part, le calcul du coût résultant réellement de l’exécution des travaux.

Cela ramène le juge à l’opposition entre 278 905,99 euros HT contractés et 267 449,45 euros HT constatés à l’issue de l’instruction. Taux de tolérance ou pas, le maître d’œuvre est donc dans les clous.

 TA d’Orléans, 7 février 2023, n° 2001976