Quel équilibre entre transparence et secrets protégés par la loi ? La question mérite d’être posée à l’heure de la transparence et de la responsabilisation maximale des acheteurs publics, face aux difficultés croissantes du secteur économique qui rendent d’autant plus précieuses les dispositions préservant le secret industriel et commercial.

Dans un précédent billet, nous faisions le point avec vous sur les règles de communicabilité dans le cadre de la commande publique (voir notre billet) (voir le récapitulatif de la CADA). Résumons-nous en rappelant que si le concurrent évincé a droit à la communication de certains éléments dans le courrier de rejet de son offre, tout administré a le droit de prendre connaissance du marché ainsi que des pièces de la procédure, « y compris les documents relatifs au contenu des offres », à compter de la signature de ce dernier. Toutefois, ce droit à communication connait bien sûr, comme partout, des limites qui tiennent notamment à la préservation des secrets protégés par la loi et des intérêts légitimes du titulaire.

L’acheteur est donc pris dans l’étau de deux obligations

  • Son obligation de transparence vis-à-vis de l’administré qui fait la demande de communication, et peut l’attraire devant le juge en cas de refus ;
  • Son obligation de respect vis-à-vis du secret protégé, et sa responsabilité, notamment pécuniaire, qui en découle s’il se trompe quant à la frontière à dessiner entre le communicable et le non communicable

C’est pourquoi l’acheteur peut être tenté de faire un excès de zèle et tomber dans la rétention d’informations. Notamment (et fréquemment…) s’agissant des mentions à occulter dans le rapport d’analyse des offres…

En pareil cas, attention ! Car la communication des documents non occultés peut être ordonnée par le juge, qui s’assurera lui-même du caractère justifié (ou non !) des omissions dans le rapport transmis.

« Saisis d’un recours relatif à la communication de tels documents, il revient aux juges du fond d’examiner si, par eux-mêmes, les renseignements contenus dans les documents dont il est demandé la communication peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret industriel et commercial et faire ainsi obstacle à cette communication en application de l’article L.311-6 du code des relations entre le public et l’administration ».

TA Melun, 15 juin 2023, n° 2210367