L’offre anormalement basse est une thématique récurrente en commande publique. Il s’agit selon l’article L. 2152-5 du code de la commande publique d’ « une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché » . Notre arrêt du 26 avril est l’occasion de revoir les contours de cette notion. Quelles sont les modalités de demandes de précisions ? Quels arguments peut-on utiliser pour démontrer un risque de mauvaise exécution du marché ?

Le contenu des demandes de précisions et justifications

Telle une anguille insaisissable, l’offre anormalement basse est sujette à moult interprétations. Diverses méthodes de détection peuvent notamment permettre à l’acheteur de demander des précisions et justifications[1] :

  • L’écart par rapport à la moyenne des offres
  • L’écart par rapport à la seconde offre la moins chère
  • L’écart par rapport à l’estimatif acheteur / maîtrise d’œuvre

Toutefois la difficulté réside dans l’interprétation des éléments de précisions et justifications fournis par le candidat.

L’acheteur est tenu à une procédure contradictoire (voir en ce sens art. L-2152-6 du CCP et CJUE, 29 mars 2012, SAG ELV Slovensko, Aff. C-599/10). Concrètement, il doit laisser au candidat la possibilité d’expliquer le caractère bas de son prix.

L’article précité prévoit que « lorsqu’une offre semble anormalement basse, l’acheteur exige que l’opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre ». Les juges viennent rappeler que l’acheteur n’est pas tenu de poser des questions spécifiques pour que la procédure soit respectée. Ce premier moyen est donc rejeté.

Cependant l’argument ultime est la probable mauvaise exécution du marché liée à ce prix bas.

Un prix de nature à compromettre la bonne exécution du marché ?

Il est acté que l’offre 25 à 40% moins élevée que la moyenne des autres offres peut être analysée si elle correspond à l’estimatif du marché (voir notre article).

Donc l’élément primordial pour établir une offre anormalement basse est bien le fait de mettre en péril le marché (voir en ce sens CE, 29 mai 2013, Min. Int. c/ Sté Artéis, ; CE, 3 novembre 2014, Office national des forêts, n° 382413 et CE, 18 juillet 2018, n°417421).

Or l’acheteur a indiqué que l’offre rejetée était 19,52% plus basse que la moyenne des offres sans en apprécier la conséquence sur la bonne exécution du marché.

Par ailleurs les arguments de prise en compte de la situation économique actuelle et de l’inflation, ou encore du risque potentiel pour la sécurité des patients que constituerait l’attribution du marché en cause à une société inexpérimentée dans le secteur hospitalier ne constituent pas des démonstrations de future mauvaise exécution.

Au vu des éléments du dossier, ce fait n’est par ailleurs pas avéré. Le Juge Administratif donne donc droit au requérant en annulant le rejet et en lui enjoignant de reprendre la procédure litigieuse au stade de l’analyse des offres.

Tribunal administratif de Toulouse, 26 avril 2023, 2301777


[1] Voir en ce sens notre brève ainsi que notre infographie