Quelle frontière entre précision et négociation ?

Dans le cadre d’un appel d’offres, « l’acheteur ne peut négocier avec les soumissionnaires. Il lui est seulement possible de leur demander de préciser la teneur de leur offre » dispose l’Article R2161-5 du code de la commande publique. D’où la nécessité de savoir tracer la frontière entre demande de précision et négociation !

En pratique, les acheteurs recourent à la demande de précision dans des cas qui prêtent parfois le flanc à la critique.Tel est le cas lorsqu’une demande de précisions tend non pas à clarifier des éléments de l’offre déjà existants, mais ambigus, mais plutôt à inviter le candidat à compléter son offre technique par des éléments nouveaux.

Tel était le cas dans l’affaire jugée par le Tribunal administratif de Strasbourg, où l’acheteur avait identifié plusieurs cas de risques de dérives des travaux dans l’offre d’un candidat, et l’avait invité, par courrier, à indiquer « pour chaque cas les moyens (qu’elle prévoyait) de mobiliser pour pallier ce risque (…) et les incidences prévisibles sur le montant de (son) offre ».

Un tel complément apporté après la date limite de réception des offres trahit le sacro-saint principe d’égalité de traitement des candidats, car il laisse de facto un délai supplémentaire à l’entreprise pour élaborer son offre. Cela est donc problématique, qu’il y ait une incidence sur la note technique ou non, mais surtout si tel est le cas ! Et surtout si l’offre est finalement déclarée attributaire.

Le juge ne s’y laisse pas prendre, qui relève qu’une telle demande ne pouvait conduire qu’à rajouter de nouveaux éléments techniques et financiers et donc à modifier la teneur-même de l’offre.

Donc à modifier la notation.

Donc à léser les candidats évincés.

La procédure d’appel d’offres est donc annulée au stade de l’analyse des offres.

TA Strasbourg, 20 avril 2023, n° 2302128

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