Quand le « contenu » du contrat est-il illicite ? Cette question revient régulièrement dans les prétoires, tant la portée d’un tel vice est importante. Rappelez-vous : certains moyens dits d’ordre public permettent de « faire un strike », puisqu’ils sont non seulement invocables sans restriction par n’importe quel tiers mais qu’ils entraînent, au surplus, l’annulation systématique du contrat (à moins qu’un sérieux motif d’intérêt général s’y oppose aux yeux du juge, auquel cas il sera sans doute au moins résilié !).

Le Conseil d’État nous donne une nouvelle illustration de cette notion de « contenu illicite », dont il rappelle la définition stricte :

« si l’objet même du contrat, tel qu’il a été formulé par la personne publique contractante (…) ou tel qu’il résulte des stipulations convenues entre les parties (…), est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu’en s’engageant pour un tel objet, le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement ».

En l’occurrence, il s’agissait d’un marché ayant pour objet la fourniture d’un produit pour lequel la société n’avait pas encore obtenu d’autorisation de mise sur le marché, ni à la date de présentation de son offre ni pendant l’instruction de son offre ni même à la date d’attribution du marché.

Le Conseil d’État confirme l’analyse de la cour administrative d’appel qui avait jugé qu’il y avait là un exemple de contenu illicite du contrat !

Il ajoute que les circonstances suivantes ne permettent pas de faire échec à cette analyse :

  • l’inscription de la substance active contenue dans le produit, par l’Agence européenne des produits chimiques, sur la liste des « substances pertinentes », c’est-à-dire les substances actives qui sont, pour faire simple, en cours d’examen dans des conditions conformes[1] ;
  • la justification de dépôt d’une demande d’autorisation de mise sur le marché ;
  • la production d’une attestation sur l’honneur d’enregistrement et d’autorisation du produit.

CE, 5 avril 2023, n° 459834


[1] « Liste de toutes les substances actives et de toutes les substances générant une substance active, pour lesquelles un dossier conforme à l’annexe II du règlement (UE) 528/2012 du 22 mai 2012ou à l’annexe IIA ou IVA de la directive 98/8/CE et, le cas échéant, à l’annexe IIIA de ladite directive a été présenté et accepté ou validé par un État membre dans le cadre d’une procédure prévue par le présent règlement ou ladite directive ».