Par un arrêt du 16 février 2024, le Conseil d’État s’est prononcé sur la durée conforme d’une exclusion des marchés publics lorsqu’une condamnation pour corruption a été prononcée… par un jugement non définitif.

Explication.

Dans le droit européen et français de la commande publique, l’acheteur dispose parfois d’une faculté, parfois d’une obligation, d’écarter de la procédure de passation de ses marchés certains opérateurs déméritants.

En particulier, l’article L. 2141-8 du code de la commande publique issue de la directive « marchés » prévoit que l’acheteur peut notamment exclure les personnes qui « ont entrepris d’influer indûment sur le processus décisionnel de l’acheteur ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du marché ».

Il en va ainsi comme en l’espèce lorsque l’associé principal d’une entreprise a été condamné pour des faits de corruption active dans le cadre de la passation d’un marché.

Se pose néanmoins la question de savoir pendant quelle durée cette exclusion peut valablement perdurer.

En l’occurrence la directive « marchés » 2014/24/UE du 26 février 2014 prévoit que la durée doit soit avoir été fixée par jugement définitif, c’est-à-dire insusceptible de recours, soit, lorsque tel n’est pas le cas, doit être limitée :

  • à cinq ans (à compter du jugement) si le jugement définitif a eu lieu mais n’a pas fixé la durée ;
  • à trois ans (à compter des faits) si aucun jugement définitif n’est intervenu.

En l’occurrence l’entreprise visée par la sanction d’exclusion avait, en l’espèce, vu son associé principal condamné par un jugement non définitif, donc encore susceptible d’appel ou de pourvoi en cassation à l’occasion duquel une relaxe pourrait être prononcée.

Pour le Conseil d’État il en résulte que les faits relèvent nécessairement de l’hypothèse où la durée doit être fixée à trois ans.

Mais pour assurer l’effet utile de ces dispositions, il aménage le point de départ de ce délai :

« Toutefois, lorsqu’une condamnation non définitive a été prononcée à raison de ceux-ci, cette durée de trois ans court à compter de cette condamnation », et non plus des faits eux-mêmes.

Conseil d’État, Chambres réunies, 16 février 2024, 488524