Dans une récente affaire portée devant lui, le Tribunal administratif de Rennes s’est penché sur la question de la référence à des marques dans le cahier des charges des marchés. Dans la mesure où le code de la commande publique impose de définir le besoin et permet de le faire par références à des normes, la seule mention d’une marque pour décrire le besoin parait bien tentante (Si – tu te – sens concerné, tape dans tes mains !)

Il faut commencer par rappeler que les documents de la consultation sont en principe obligatoires, toute offre ne respectant pas leurs dispositions se voyant qualifier d’irrégulière (sauf variantes). Ainsi, le principe est celui du caractère obligatoire du règlement de consultation, dans toutes ses mentions… sauf celles manifestement inutiles à l’appréciation des offres (CE, 22 mai 2019, Société Corsica Ferries, req. n° 426763). L’actualité nous a d’ailleurs gratifié de deux illustrations récentes concernant les contraintes de pure forme. Spoiler alert : elles n’ont jamais été reconnues « manifestement inutiles » … (« Le principe de proportionnalité dans la commande publique ? (épisode 1) » et «  (épisode 2) »).

Ce caractère intégralement obligatoire du RC s’efface cependant, bien sûr, face à l’illégalité des exigences qu’il comporte. De même que le cahier des charges ou « le formulaire de BPU joint », qui, en l’espèce, détaillait « 80 références de toners, cartouches et autres consommables, compatibles avec les installations existantes dans le parc informatique de (l’acheteur) ». Le descriptif du besoin était-il dès lors entaché d’illégalité en tant que restrictif de concurrence ?

Le point de départ du raisonnement doit toujours être de rechercher si la spécification technique a, ou non, pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs économiques. Dans l’affirmative et seulement à ce moment-là, il pourrait être utile de rechercher si :

  1. l’objet du marché justifiait d’y faire référence, ou si
  2. une description du besoin sans cette référence n’était pas possible.

De plus, dans les deux cas, l’acheteur doit toujours accepter les équivalents.

Et c’est après avoir rappelé ce cadre d’appréciation que le Tribunal commence… par la fin ? En effet, il relève que ces spécifications étaient justifiées par l’objet même du marché, puisqu’il s’agit ici d’acquérir du matériel d’impression pour un parc existant. Par conséquent, il n’était évidemment pas possible d’admettre à la concurrence n’importe quel modèle de consommable.

De surcroit – et peut-être avant toute chose ? – l’effet restrictif de concurrence est absent en la cause, ou en tous cas, non démontré. Le formulaire de BPU « permettait aux candidats de proposer, pour chaque référence, un prix constructeur, un prix d’un consommable compatible ou encore un prix d’un consommable reconditionné » de sorte que « l’indication des marques de ces produits consommables n’avait ainsi qu’une valeur indicative ». Et pour finir il n’est même pas rapporté la preuve que les références à des marques auraient conféré un avantage concurrentiel aux autres candidats ou auraient lésé la société requérante d’une quelconque manière.

TA Rennes, 3ème Chambre, 5 octobre 2023, 2003814