L’actualité de la fin d’année 2022 aura été riche pour la commande publique, et entre les modifications règlementaires et les entrées en vigueur, l’achat public durable, le taux de l’avance, les marchés de travaux dispensés de procédure et les données essentielles, il ne faudrait pas oublier que le Conseil d’État, aussi, a travaillé avant les fêtes ! Et justement, dans un arrêt du 16 décembre dernier qui ne devra pas passer à la trapper, il nous livre de nouveaux éléments concernant la résiliation amiable du contrat.

Lorsque la relation contractuelle ne donne plus entière satisfaction aux deux partenaires, il n’est pas toujours productif « de se moquer, se salir, se haïr », et il vaut mieux parfois se quitter sur de bonnes bases. La fin amiable des relations contractuelles pourra alors s’accompagner d’une indemnité contractuelle dont le montant variera.

Il dépendra tout d’abord de ce qui a été prévu au contrat, liberté contractuelle oblige ! Mais même dans le silence du contrat, il peut encore être négocié par les parties au moment de se dire au revoir.

Sous plusieurs réserves.

« Les parties à un contrat conclu par une personne publique peuvent déterminer l’étendue et les modalités des droits à indemnité du cocontractant en cas de résiliation amiable du contrat, sous réserve qu’il n’en résulte pas, au détriment de la personne publique, l’allocation au cocontractant d’une indemnisation excédant le montant du préjudice qu’il a subi résultant du gain dont il a été privé ainsi que des dépenses qu’il a normalement exposées et qui n’ont pas été couvertes en raison de la résiliation du contrat ».

Première réserve, dans la droite ligne de l’interdiction constitutionnelle de consentir des libéralités publiques : l’indemnité ne peut pas dissimuler un « cadeau de départ », et, doit seulement couvrir le préjudice réellement subi par le cocontractant.

Seconde réserve : l’indemnité peut en revanche être inférieure au préjudice réellement subi. En effet, le Conseil d’État ne réserve aucune réciprocité en la matière (voir déjà CE 5 avril 2011 n° 334280 « CCI de Nîmes »).

Mais ajoutons surtout – et c’est tout l’intérêt de l’arrêt analysé ici – que le juge aura pour tâche, dans son appréciation du caractère excessif de l’indemnité, de tenir compte de tous les chefs de préjudice alternatifs et de retenir le montant le plus élevé d’entre eux.

Pas très clair ? Un exemple avec l’indemnité de résiliation d’un bail emphytéotique sur lequel était exploité un village de vacances. Dans le cas d’une telle exploitation, l’exploitant peut soit continuer d’exploiter et donc en retirer un bénéfice, soit céder son bail et ainsi en retirer un prix de cession des droits au bail. Si le contrat prend fin de manière anticipée, il est donc privé de l’un comme de l’autre, mais il ne peut pas évidemment demander l’indemnisation des deux à la fois ! Il sera alors indemnisé du préjudice le plus important, selon le calcul le plus avantageux pour lui.

En refusant de tenir compte, pour déterminer si le montant de l’indemnité accordée par la commune au titre de la résiliation du contrat était excessif au regard du préjudice en résultant pour le cocontractant au titre du gain dont il a été privé, du prix qu’il pouvait tirer de la cession des droits qu’il tenait du bail, afin de retenir le plus élevé des deux montants correspondant soit au bénéfice escompté de l’exploitation du site pour la durée du contrat restant à courir soit à la valeur des droits issus du bail, la cour a commis une erreur de droit.

De quoi rester vraiment bons amis !

CE, 16 déc. 2022, Société Grasse-vacances, n° 455186