Soyez raisonnables, prévoyez un délai suffisant dès lors que vous intégrez des changements… Tel est l’esprit du code…

Il n’est néanmoins pas évident de savoir si le délai proposé est justement suffisant. La jurisprudence nous donne un nouvel exemple pour éclairer nos raisonnements.

C’est l’histoire d’une commune, qui publie un avis d’appel à la concurrence en vue de conclure un contrat de concession de service public du crématorium communal.

Suite à une série de questions, la commune a répondu aux candidats et a modifié le circuit d’acheminement des cercueils, afin de le rendre plus court et de faciliter l’activité du futur délégataire.

La commune a assortie cette modification d’un délai supplémentaire de 9 jours.

Seulement voilà, deux entreprises ont saisis le juge des référés pour demander l’annulation de la procédure de passation de la concession. Pour ces deux entreprises, le délai n’était pas suffisant et les a dissuadées de présenter leur candidature à l’issue de la modification apportée. Le juge des référés leur a donné raison. Pas le Conseil d’Etat.

Il faut démontrer l’intérêt lésé.

La commune s’est pourvue en cassation en arguant que la candidature des entreprises concernées n’aurait pu qu’être écartée, soit pour capacités techniques et financières insuffisantes, soit pour défaut d’obtention d’une habilitation.

Pour les juges du Conseil d’Etat, le juge des référés a commis une erreur de droit en écartant cette argumentation et en la jugeant inopérante. Il aurait dû rechercher si les entreprises requérantes ne disposaient manifestement pas des capacités suffisantes, et si par ce biais elles n’étaient pas susceptibles d’avoir été lésées par cette prolongation de délai estimée insuffisante.

Un délai suffisant est un délai qui laisse objectivement le temps d’adapter son offre.

Les juges du Palais Royal estiment en outre que, compte tenu de la nature et de la portée de la modification, le délai supplémentaire de 9 jours fixé par la commune était suffisant pour permettre aux entreprises d’en prendre connaissance et d’adapter leur offre[1], la modification ne pouvant être considérée comme substantielle.

Les sociétés requérantes ne sont donc pas fondées à demander l’annulation de la procédure.

Bien que cette décision porte sur un contrat de concession, le raisonnement du juge est également applicable aux marchés publics, car là encore, il est question de « délai suffisant »[2].

CE, 27 novembre 2019, Société Pompes Funèbres de l’Avesnois, n°432996


[1] Considérant 7 de la décision

[2] Art. R2161-19 pour les marchés publics et Art. R3122-8 pour les concessions. Code de la commande publique