Le Conseil d’État précise sa jurisprudence selon laquelle un pli déposé après la DLRO n’est pas toujours « hors délai », selon que le profil d’acheteur fonctionnait ou non correctement et que l’entreprise a été ou non diligente.

Il y a un an déjà, nous vous informions de la décision du Conseil d’État[1] par laquelle celui-ci précisait que l’acheteur ne pouvait pas écarter un dépôt « hors délai » dès lors que le retard du dépôt était imputable à un dysfonctionnement du profil d’acheteur et que le candidat avait accompli l’ensemble des diligences nécessaires en temps utile (voir notre article « quelles solutions en cas d’indisponibilité du profil d’acheteur ? »).

Ces deux conditions étant cumulatives,

  1. dysfonctionnement du profil d’acheteur
  2. diligence de l’entreprise

leur mise en application a été suivie de près, notamment sur le plan de la « diligence » attendue de l’entreprise.

Qu’est-ce qu’une entreprise diligente ?

Hors délai et conditions générales d’utilisation (CGU)

Pour mémoire, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand avait apporté sa pierre en jugeant que n’était pas diligente l’entreprise qui avait commencé son dépôt 2H30 avant l’échéance de la DLRO (date limite de réception des offres), mais dans la mesure où elle avait accepté les conditions générales de la plate-forme qui imposaient de commencer le dépôt 24H à l’avance (voir notre article).

Le Conseil d’État vient de trancher, pour sa part, deux aspects supplémentaires de la question :

  • quid si le lien hypertexte indiqué dans le Règlement de la consultation est défectueux ?
  • quid si les moyens humains de l’entreprise ne lui ont pas permis d’effectuer son dépôt en temps utile ?

Hors délai et moyens humains de l’entreprise

Réglons derechef la seconde question, la plus simple, puisque le Conseil d’État juge sans surprise que ce motif ne permet pas de dédouaner l’entreprise.

En l’espèce l’entreprise faisait valoir « la circonstance qu’elle avait été contrainte de confier le téléchargement de sa candidature à une salariée peu expérimentée en raison de la dégradation soudaine de l’état de santé de la salariée qui devait initialement accomplir cette tâche ».

Plus que balayé, l’argument est même ignoré…

Hors délai et erreur dans le Règlement de consultation (RC)

À la première question, le Conseil d’État prend toutefois le soin de répondre plus directement. Car si le Règlement de la consultation, pièce maîtresse de la procédure de passation, comporte une erreur de nature à désorienter le candidat, il devient plus délicat de reprocher à ce dernier la tardiveté de son dépôt.

En l’espèce, il faut noter par ailleurs que le candidat avait commencé son dépôt « dans la matinée » – sans plus de précision – pour une échéance de la DLRO fixée à 12H.

Rien n’est dit quant à l’existence de CGU, plus probablement parce que l’argument n’était pas soulevé, peut-être aussi parce que ces CGU ne comportaient pas de prescription comparable à celles dans l’affaire devant le TA de Clermont-Ferrand. (Sans doute que l’argument aurait été soulevé d’ailleurs, sinon).

Ce qui interroge ici est le motif retenu par le Conseil d’État :

« Il résulte toutefois des énonciations de l’ordonnance attaquée, non contestées sur ce point, que si un des deux liens hypertextes ne permettait pas le téléchargement d’une candidature, l’autre lien, également mentionné dans le règlement de la consultation, fonctionnait correctement et avait d’ailleurs permis la remise en temps utile de plusieurs candidatures ».

En effet, il est donc certain désormais que l’existence d’un lien défectueux parmi d’autres ne suffit pas à dédouaner l’entreprise.

Mais si ce lien défectueux est l’unique lien mentionné au RC ?

Et le cas échéant, faut-il considérer que cela dédouane l’entreprise dans tous les cas où pourrait-il y avoir d’autres circonstances « atténuantes » pour l’acheteur, par exemple une connaissance acquise par l’entreprise des modes et délais de dépôt ?

La saga du hors délai est loin d’avoir livré ici son dernier chapitre !!

CE, 3 juin 2022, Société SAUR, n°461899


[1] CE, 23 septembre 2021, Société Alstom-Aptis, n°449250.